Opportunités et défis du musée

En tant que concepteur et réalisateur de projets muséaux à l’international, France Muséums a participé à l’Expo 2020 de Dubaï et a organisé en janvier 2022, Les Rencontres by France Muséums au sein du Pavillon France, une journée dédiée à imaginer l’avenir des musées, leur rôle et leur place dans notre société. France Muséums accompagne et guide les porteurs de projets internationaux avec rigueur et passion. En redéfinissant et réaffirmant le rôle et la responsabilité des musées, nous souhaitons construire un monde plus accessible, inclusif et durable. Dans cet article, France Muséums rend compte des échanges du symposium et explore les opportunités et les défis auxquels sont confrontés les musées aujourd’hui. Ce compte-rendu ouvre les portes d’une conversation plus large et plus profonde à tenir avec les experts et passionnés de musées.

LA PHILOSOPHIE DE FRANCE MUSÉUMS

France Muséums partage la conviction que les musées représentent un atout politique et social considérable.  Loin d’être un équipement du passé, le musée est un lieu d’éducation, de divertissement, de recherche et d’innovation. Les musées jouent un rôle d’outil essentiel pour relever les défis de demain, en réponse à des objectifs concrets et à des enjeux transversaux définis par des politiques internationales sur le long terme telles que les objectifs de développement durable (ODD) de l’ONU et l’Agenda 21. Aux différents niveaux de conception et d’intervention, les musées constituent pour les communautés dans lesquelles ils sont ancrés, non seulement un formidable levier de développement économique mais un outil fondamental pour construire une coexistence pacifique et un vivre-ensemble dans un contexte de fortes tensions identitaires, exacerbées par la crise sanitaire. Leur mission fondamentale de protection et de valorisation du patrimoine pour les générations actuelles et futures ne les réduit pas à un rôle cosmétique ou superficiel. Au-delà de leur contribution à la résolution des problèmes économiques et sociaux au niveau local, les musées contribuent de plus en plus, dans un contexte international concurrentiel, à mettre en œuvre des visions diplomatiques et à favoriser des stratégies d’influence, mais aussi à contribuer au rapprochement et à une meilleure compréhension entre les peuples. Le musée, en tant que lieu de rassemblement d’objets issus de différentes cultures, est aussi un lieu de rencontre pour des publics multiples. Par ce statut unique, aujourd’hui plus que jamais, le musée défend les valeurs humaines de tolérance, d’inclusion et de diversité. Parallèlement, il sort de l’espace intemporel dans lequel il était autrefois confiné pour s’engager dans les enjeux du présent, comme le développement durable, dont dépend sa survie, comme toute organisation aujourd’hui. Mais cette réflexion en appelle inévitablement d’autres. Le musée peut-il être rentable ? Comment le rendre plus accessible, plus durable, plus innovant ? Doit-il prendre parti sur des questions de décolonisation, d’inclusivité et d’engagement envers certaines communautés ? Comment devons-nous réinventer le musée dans un monde post-covid ?

L’AVENIR DES MUSÉES

Issus de domaines et d’expertises différents, nos intervenants de renom ont été sollicités lors de ce symposium pour s’interroger sur l’avenir des musées, et sur la diversité des défis et opportunités auxquels ils sont confrontés..

Lazare Eloundou, Directeur du patrimoine mondial à l’UNESCO, a prononcé le discours d’ouverture et introduit les échanges en soulignant, les contributions cruciales des musées envers les générations d’aujourd’hui et de demain. La crise sanitaire a rendu plus difficile pour les musées le maintien des liens sociaux, l’accomplissement de leur mandat éducatif ainsi que la préservation et la sécurisation de leurs collections. La pandémie a aggravé les inégalités existantes, notamment l’accès aux musées. Outre la fracture numérique, la répartition inégale des musées dans le monde a un impact considérable sur l’accès à la culture et à la connaissance. Les musées sont des acteurs majeurs du développement social et économique. Ils préservent le passé afin de  mieux comprendre le présent et préparer l’avenir. Lazare Eloundou a souligné que ces missions essentielles ne peuvent être remplies que dans le cadre d’une coopération internationale constante, concertée et solide et de politiques culturelles ambitieuses. L’UNESCO, depuis sa création, soutient le développement des musées dans le monde, à travers la mise en place d’instruments normatifs tels que la Recommandation de 2015 concernant la protection et la promotion des musées et des collections, leur diversité et leur rôle dans la société, l’orientation des politiques publiques ou encore le soutien à la création ou à la réhabilitation de musées. Dans le contexte de la pandémie, l’UNESCO a fourni de nouvelles données sur les musées et des recommandations, et continue de favoriser les échanges entre les professionnels du patrimoine, ainsi que de renforcer la coopération internationale, notamment en Afrique.

Son Excellence Mohamed Khalifa al Mubarak a prononcé la première allocution. Faisant référence aux relations diplomatiques de longue date entre les Émirats arabes unis et la France et à l’extension du partenariat du Louvre Abu Dhabi pour 10 ans jusqu’en 2047, il a reconnu que cette institution emblématique, premier musée universel du monde arabe, est un témoignage du pouvoir de la collaboration, transcendant les frontières et les différences culturelles. À l’heure des changements technologiques rapides, notre monde est plus interconnecté que jamais, mais la fragmentation sociale s’accentue. Son Excellence a insisté sur l’importance de placer la diversité et l’inclusion au cœur des stratégies culturelles, sur la nécessité pour le musée de demain de refléter son contexte local tout en s’ouvrant au monde. Les musées ont un rôle crucial à jouer pour forger un monde de plus grande compréhension et d’acceptation de la diversité. Décrivant l’engagement à soutenir les industries créatives et culturelles en tant que moteur économique, le musée de demain représente un investissement et des opportunités professionnelles pour la prochaine génération.

Sandra Lagumina, modératrice de la première table ronde, a ensuite pris la parole pour souligner l’importance pour le monde muséal d’être pleinement connecté aux défis de notre temps.

A l’heure où le concept d’Anthropocène est largement évoqué, les politiques de développement, internationales, nationales et locales, doivent être conçues comme durables et intégrées. Les Objectifs Durables fixés par l’ONU ou ceux de l’Agenda 21 insistent sur la nécessité d’aborder les problèmes de manière globale et concrète : respecter l’environnement bien sûr mais assurer un développement économique plus équitable pour promouvoir la paix et les droits de l’homme et un monde meilleur pour les générations futures. Les ODD de l’ONU répondent ainsi aux défis mondiaux auxquels nous sommes confrontés, notamment ceux liés à la pauvreté, aux inégalités, au climat, à la dégradation de l’environnement, à la prospérité, à la paix et à la justice.

À chacun des différents niveaux d’action politique, le musée est un atout essentiel pour construire un avenir meilleur et plus durable pour tous :

  • Au niveau international, il est un atout dans la compétition internationale mais aussi un formidable outil de compréhension mutuelle, de connaissance et de respect entre les peuples ;
  • Au niveau national, le musée peut être mis au service de politiques territoriales concrètes : économiques (attractivité et tourisme), sociales, aménagement du territoire ;
  • En tant qu’espace social privilégié de création, d’innovation, de recherche et de construction, le musée participe pleinement à la construction de l’avenir des territoires et des sociétés.

Michel Miraillet a ouvert la discussion en liant l’avenir des musées à l’importance d’une diplomatie muséale forte. Il a souligné que le succès du Louvre Abu Dhabi s’explique par la combinaison précoce d’une volonté politique très forte et de la grande qualité du contenu artistique. Cette entreprise complexe a été, à bien des égards, le précurseur des évolutions qui font l’objet du symposium. Qu’attendons-nous des musées aujourd’hui ? Quels sont les défis qu’ils doivent relever ? Comment les pays qui investissent fortement dans une politique de soft power opèrent-ils au niveau mondial pour faire avancer leurs agendas ? Le panorama est en constante évolution. La diplomatie joue un rôle majeur dans la définition de ce nouveau moment historique pour l’existence des musées. La fonction politique des musées est présente depuis la création des premiers musées européens dans la seconde moitié du 18e siècle, mais elle s’est renforcée au cours des 20 dernières années dans un contexte d’internationalisation croissante des questions artistiques et culturelles. Ces dernières années, les musées ont diversifié et amplifié les sources de leur influence sur la scène internationale. L’originalité de leur architecture, la qualité de leur collection et de leurs expositions temporaires, l’expertise en matière de recherche et de conservation, les programmes éducatifs et de médiation, l’expérience du visiteur, l’intégration des nouvelles technologies, la capacité à construire des partenariats contribuent désormais à la valeur et à la réputation internationale des musées.

Dans le même temps, le monde a radicalement changé. De nouvelles puissances politiques et économiques, dans la région asiatique, au Moyen-Orient et sur le continent africain, se sont affirmées sur la scène internationale. Elles cherchent à accompagner leur ascension économique et politique par le développement de leur soft power, notamment à travers des projets artistiques, culturels et patrimoniaux. Pour soutenir cette dynamique, la force du modèle français réside dans la vitalité et la diversité de ses partenariats, sa capacité à favoriser des contenus de qualité et des expériences innovantes, mais aussi dans sa capacité à mobiliser la volonté politique. Ces partenariats (Louvre Abu Dhabi, Centre Pompidou de Malaga, Shanghai ou Belgique) entre institutions françaises et étrangères, publiques ou privées, s’inscrivent dans une volonté plus large de développer la coopération culturelle internationale, de générer des revenus et de renforcer les compétences locales.

Quel serait le modèle idéal de diplomatie muséale aujourd’hui ? Dans son intervention, Michel Miraillet souligne également l’importance d’opérer dans une logique de co-construction, de partenariat à long terme. Chaque pays, chaque culture, peut répondre différemment à la question de savoir quelle est la place d’un musée, ses fonctions, son rôle dans une société, un territoire ou une communauté spécifique. Il faut comprendre les spécificités pour être conscient des enjeux. Les experts français doivent être capables d’accompagner leurs partenaires locaux dans la construction de leurs propres récits et espaces.

En donnant un aperçu de sa pratique et de la diversité des projets qu’elle a menés, Lina Ghotmeh s’est intéressée non seulement à la manière de construire un musée pour hier, aujourd’hui et demain, mais aussi à la manière d’ancrer un musée dans son lieu et sa communauté. En tant qu’architecte du Musée national d’Estonie, elle s’est interrogée sur la volonté politique de transformer une histoire et un lieu ayant obtenu son indépendance de l’Union soviétique en 1991. Ce musée, installé sur un aérodrome militaire, consiste à construire la mémoire et l’identité, ainsi qu’à transformer la signification d’un site. Un musée fait évoluer les identités et les souvenirs à travers le temps. Lié à son espace et se transformant avec lui, il représente le patrimoine. Le coeur de son travail est de se demander également comment un bâtiment peut être durable, à la fois dans sa collection, mais aussi dans sa relation avec son environnement. Les musées ne sont pas seulement des lieux où les collections sont exposées, mais ce sont des lieux où les gens se rencontrent pour produire de la culture, ce sont des incubateurs culturels où les échanges de culture ont lieu. C’est aussi un lieu où l’on apprend, où l’on développe ses connaissances, où l’on construit des histoires à travers des expositions et où l’on présente l’Histoire d’une manière plus ludique et interactive, en combinant les moyens numériques pour engager la jeune génération avec l’extrême tactilité et matérialité du lieu et des objets. Le bâtiment devient un initiateur d’imagination et parfois une véritable déclaration politique. Elle a enfin partagé son projet pour les musées de Shenzhen Antuo Hill en Chine pour souligner le rôle de guérison des musées. Ici, les bâtiments sont une célébration de la nature et du patrimoine. Construire à partir du passé et porter un bâtiment dans son contexte mais, en même temps, essayer de le projeter dans le futur. Elle a indiqué l’importance d’une architecture significative, quelle que soit l’échelle, la culture ou les territoires, pour assurer l’intégration des musées dans leurs territoires et leur environnement. En tant qu’incubateur culturel et créatif, les musées ne sont pas seulement des bâtiments mais des initiateurs d’imagination, « un extraordinaire indispensable ». 

Par la suite, Kyung Wook Kim a dévoilé un formidable projet consistant à introduire un musée dans un aéroport. L’aéroport d’Incheon est devenu un aéroport de classe mondiale au cours des 20 dernières années. Mais la pandémie a eu de graves répercussions et a déclenché de nouvelles réflexions. Pour assurer la croissance future, il fallait dessiner une nouvelle vision de l’aéroport d’Incheon, autour de l’idée que l’aéroport crée une valeur sociale. L’aéroport n’est pas seulement un espace où un avion atterrit et décolle. C’est un lieu où les gens se rencontrent, où les cultures se rencontrent, et où le présent rencontre le futur. On peut dire qu’il s’agit d’un lieu qui relie les gens à travers la culture et le temps, tout comme les musées.

L’aéroport d’Incheon propose divers programmes et expositions sur les beaux-arts, le patrimoine ou encore le pop art ainsi que des festivals pour améliorer l’expérience des voyageurs. Le musée de l’aéroport a ouvert ses portes en juin 2022, en collaboration avec le musée national de Corée. Au-delà des avantages publicitaires, ils ont appris à utiliser l’espace ouvert comme une plateforme culturelle. La vision de Kyung Wook Kim s’étend à l’extérieur du terminal, car il envisage de faire de toute l’île une île de culture, en reliant le tourisme et l’aviation, estimant que l’aéroport peut être la destination du voyage, et non un simple passage.

Rappelant que d’autres aéroports, comme ceux de Hong Kong, Singapour, Paris ou Amsterdam, commencent à activer la culture pour créer une nouvelle expérience client, il a souligné que nous sommes à la veille d’un changement de paradigme culturel et industriel et que les aéroports peuvent offrir une nouvelle plateforme à l’art et à la culture, et devenir des centres culturels et artistiques de classe mondiale.

LA RAISON D’ÊTRE DU MUSÉE – L’IMPORTANCE DE CONSTRUIRE UN PROGRAMME STRATÉGIQUE CULTUREL

La deuxième table ronde s’est attachée à mettre en évidence pourquoi et comment le programme stratégique culturel doit plus que jamais servir un discours structuré pour dynamiser la muséographie et renouveler les expériences en plaçant le visiteur, dans toute sa diversité, au cœur du processus. Cette table ronde a permis de réfléchir à la vocation des musées, et à la tension qui peut découler de la confrontation entre universalité et diversité.

Dans la deuxième intervention, Laurence des Cars, Directrice du plus grand musée du monde, a souligné l’évolution du rôle des musées dans la société et leur position au cœur des enjeux sociétaux. Alors qu’ils sont confrontés à de nouveaux défis : multipolarité, industrialisation à outrance, changement climatique, fragmentation accrue, de nombreuses personnes sont exclues des musées. À l’heure où l’universalisme est contesté, les musées ont l’occasion de raviver leur rôle, leur finalité, de redynamiser les significations et les missions. L’ambition d’universalité doit être considérée comme un moyen d’améliorer le dialogue et la compréhension entre tous les peuples et toutes les cultures. Elle a souligné trois orientations stratégiques clés pour un musée ouvert et accueillant :

  • Définir une politique scientifique qui s’ouvre au monde tel qu’il est aujourd’hui (artistes contemporains, expositions montrant ce qui était jusqu’alors invisible, politique d’acquisition qui reconnaît les artistes femmes, ou encore politique digitale moderne pour concilier matérialité et virtualité et engager les jeunes générations).
  • Mettre en place une politique de développement de plus en plus dynamique en étant à l’écoute de la communauté et en créant des expériences accessibles pour tous les publics.
  • Construire une image irréprochable. Les musées ont un devoir d’exemplarité et doivent assumer leur responsabilité sociale en tant qu’organisation.  S’assurer que les partenariats sont en accord avec les valeurs et le message du musée, être un exemple en matière de développement durable et se positionner à l’avant-garde de l’éthique.

Pap Ndaye, Directeur général du Palais de la Porte Dorée au moment de ces rencontres a ouvert la deuxième table ronde après l’intervention de Laurence des Cars en insistant sur le fait que les hiérarchies traditionnelles ont été remises en question dans le monde occidental au cours des dernières décennies. Les musées sont donc confrontés à de nouvelles demandes sociales émanant de différentes parties de la société. La question fondamentale est la suivante : « Comment combiner la dimension universaliste des musées avec l’attention et le soin apportés aux histoires diverses, et parfois contradictoires, qui constituent le tissu même de nos sociétés actuelles ? Qui a le droit et la légitimité de raconter ces histoires ? Toutes ces questions sont fondamentales, si nous voulons que les musées produisent de nouvelles histoires pertinentes pour la complexité de notre monde multiculturel ».

Par la suite, Nathalie Bondil a remis en question les notions et les modes de pensée établis, par exemple en remettant en question l’universalisme, qui doit être modernisé, et le multiculturalisme, qui peut diviser et essentialiser.  Elle a suggéré d’inventer ensemble une communauté de destin et propose de parler d’interculturalisme, en soulignant la nécessité de relier, par exemple, l’art ancien à l’art contemporain. Elle a habilement noté que si les collections sont permanentes dans les musées, les regards portés sur elles ne cessent d’évoluer, ce qui exige de la modestie. Promouvoir une culture du contexte plutôt qu’une culture de l’annulation. Partageant son expérience à travers les continents, elle a souligné l’urgence de penser de manière globale, de célébrer l’égalité des sexes, d’encourager la pluridisciplinarité, de repenser notre système de connaissances de manière rhizomatique et plus collaborative en laissant d’autres expertises se sentir chez elles dans les musées. Nous rappelant que les émotions et l’empathie sont au cœur de l’art, les musées sont un lieu de rassemblement et de santé publique, comme elle a réussi à le faire à Montréal où elle a été à l’initiative de la première prescription médicale pour le musée.

Katrina Sedgwick a présenté son institution, l’Australian Centre of Moving Image (Acmi), comme un lieu dédié à la conversation continue entre le passé et le présent, entre l’analogique et le numérique, le physique et le virtuel, le local et le global. Il s’agit du musée de ce type le plus visité au monde. Elle a insisté sur le fait qu’Acmi souhaitait autant montrer le processus de création que présenter le produit final, raison pour laquelle elle a cherché à mettre en relation trois publics différents : le public, l’industrie qui crée l’image en mouvement et les secteurs de l’éducation, du lycée à l’université en passant par les universitaires. Elle a expliqué comment l’institution a évolué au cours des sept dernières années pour devenir un espace accueillant capable de remplir son rôle essentiel de promotion de l’éducation aux médias. Ce qui est essentiel, outre les nouveaux espaces plus accueillants, c’est la mise en place d’une plateforme de contenus et d’expériences interchangeables, conçue pour évoluer au gré des changements de l’Acmi et des communautés. La culture et la créativité des Premières Nations par le biais de l’autoreprésentation sont au cœur de leur histoire et ont constitué le point de départ de leur parcours curatorial. En collaboration avec le groupe consultatif indigène et les conservateurs des Premières nations, elle a demandé à l’artiste Gunditjmara Vicky Couzens de créer une installation en plusieurs parties, spécifique au site, qui ouvre et ferme l’exposition, reconnaissant ainsi que les peuples des Premières nations racontent des histoires en Australie depuis 60 000 ans. Rendre les visiteurs acteurs de leur visite est un élément clé et Acmi a développé une lentille dotée d’une puce NFC qui permet aux visiteurs de collecter des objets et des œuvres d’art, des interviews, des vidéos et des expériences interactives. Ce dispositif prolonge la visite à la maison ou à l’école, en donnant plus de choses à regarder et à jouer par la suite, et permet aux visiteurs d’obtenir des recommandations pour regarder et lire davantage après avoir quitté le musée, et de maintenir la conversation vivante avec le musée. Acmi est donc une plateforme muséale unique où le lieu physique où les gens peuvent se réunir pour partager des histoires est profondément lié à une expérience numérique qui exploite ce qu’Internet sait faire de mieux.

Shirin Brückner a abordé, lors de sa présentation, la question de la durabilité de l’expérience visiteur. Pour elle, la principale question concernant les musées d’aujourd’hui est de savoir comment transmettre l’information d’une nouvelle manière, afin de mieux soutenir et comprendre le contenu, comment relier les gens d’une manière très différente et comment faire en sorte que les musées patrimoniaux restent pertinents dans un monde qui évolue rapidement. Pour y parvenir, la philosophie de ses œuvres demeure : « la forme suit le contenu ». Le concept global influence l’ensemble de la conception spatiale, mais aussi la prise de décision tout au long du processus de conception qui entremêle les messages clés avec les différents éléments de la scénographie. Les expériences durables étant définies par le contenu et par l’espace, il est alors nécessaire d’interpréter le contenu dans un espace architectural, en plaçant les destinataires au centre, ce qui permet un engagement et une participation personnels et émotionnels. Cela peut être réalisé en sollicitant différents sens, comme le son par exemple, qui peut changer complètement l’attitude émotionnelle du visiteur. La devise est d’utiliser les supports médiatiques et numériques pour le bien du contenu, jamais pour le bien de la technologie, c’est le meilleur moyen de trouver le bon équilibre entre les expériences physiques et numériques. Elle a conclu en soulignant le besoin constant de se réinventer en travaillant de plus en plus de manière interdisciplinaire et interculturelle.

Découvrir Atelier Brückner

Le discours suivant de Vincent Campredon a fait directement écho à celui de Shirin Brückner sur la nécessité d’une expérience multisensorielle lors de la conception de la stratégie d’un musée. Avant de diriger le Musée national de la marine en France, il a occupé différents postes stratégiques au sein de la Marine nationale, notamment dans les bureaux de communication. Il a été nommé directeur de l’un des plus grands musées maritimes mondiaux avec une  » lettre de mission  » simple : transmettre aux Français le goût de la mer et la conscience de ses enjeux. Quel défi de transformer une institution vieille de 250 ans en un musée du futur ! Vincent Campredon a entrepris une rénovation pour adapter son musée aux publics du 21ème siècle en favorisant l’émerveillement, la curiosité, la transmission des connaissances à travers l’évocation de la longue et passionnante histoire maritime et de son merveilleux patrimoine. La nouvelle mission du musée est alors claire : à travers une approche globale laissant place aux émotions et au pouvoir de l’imaginaire, sensibiliser les visiteurs aux enjeux fondamentaux de la mer pour l’avenir de l’humanité (écologiques, économiques, scientifiques, militaires…).

Pap Ndiaye a par la suite ouvert la discussion en s’interrogeant sur les défis sociaux auxquels les musées sont confrontés et sur l’impact de ces défis sur les pratiques. Nathalie Bondil a évoqué le fait que la parole dans les musées n’est plus limitée à des questions scientifiques étroites. Les musées accueillent plus facilement différents types d’experts et d’expertise. Selon elle, cela soulève une question de pouvoir, de légitimité du discours dans les musées. Du point de vue de Shirin Brückner, ce qui a vraiment changé ces vingt dernières années, c’est le fait de travailler de manière très interdisciplinaire dès le début des projets. Pour Katrina Sedgwick, la mutation s’opère dans la manière d’embrasser le changement, d’évoluer constamment, d’expérimenter et de prendre des risques, de se permettre d’échouer, d’utiliser de nouveaux types de canaux pour atteindre de nouveaux publics. Pour Vincent Campredon, ce qui a été vraiment clé, c’est de créer un esprit d’équipe collectif pour gérer le changement et repositionner le musée.


Les lacunes de nombreux projets muséaux ne sont pas dues à un manque de ressources, d’ambition ou de talent ; elles découlent d’une incapacité à poser des questions, à définir des attentes globales et à formuler des objectifs intégrés. Lors de cette journée d’échanges, l’importance d’envisager les projets muséaux dans leur globalité a mis en évidence la nécessité d’intégrer les différentes phases et de faire travailler ensemble les différents acteurs, de la conception à la mise en œuvre, pour assurer une cohérence sociale et culturelle ainsi qu’une durabilité.

Créée pour réunir les musées nationaux français autour du projet pionnier du Louvre Abu Dhabi, France Muséums capitalise sur cette expérience inégalée, en utilisant son expertise et celle de son réseau de partenaires pour concevoir et accompagner la construction de projets muséaux et patrimoniaux où l’expérience du visiteur est au cœur du concept.

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