Quelles stratégies territoriales autour d’un musée ?

La création d’un équipement muséal est souvent fondée sur des idées reçues qui sont autant de pièges sur lesquels il est facile de trébucher. Rencontre avec les œuvres, expérience de visite complète, implication des habitants, scénarisation audacieuse ou mise en réseau avec d’autres musées…, les clés de la réussite sont nombreuses et diverses.

Dans le n°426 de la revue Urbanisme consacrée au tourisme, Hervé Barbaret, Directeur Général de France Muséums apporte son analyse sur le développement des quartiers culturels et la tendance à penser des destinations urbaines globales, au-delà du seul prisme d’un équipement muséal.

Quelles stratégies territoriales autour d’un musée ? Extrait de l’analyse

Il n’est pas de stratégie de développement territorial qui n’intègre une ambition de mise en tourisme. Qui dit tourisme dit culture, qui dit culture dit musée. Les poupées de la matriochka sont sur la table : quoi de mieux qu’un musée pour couronner les efforts réalisés pour développer une région, un département, une ville ? Nos amis basques de Bilbao n’en ont-ils pas fait brillamment la démonstration ? France Muséums, qui a pour mission de promouvoir l’excellence muséale française, ne peut que s’enthousiasmer de cette perspective. Pourtant, comme l’enfer est pavé́ de bonnes intentions, les ambitions muséales sont pleines de fausses bonnes idées. D’abord, penser qu’il est facile de parachuter un musée dans un lieu donné. Ensuite, imaginer qu’un musée peut, à lui seul, être le moteur de transformation d’un territoire. Troisièmement, espérer qu’un musée s’autofinance. Quatrièmement, croire que le musée est une institution spontanément populaire. Enfin, vouloir mettre en équation le succès d’un équipement culturel. Une seule de ces pathologies peut conduire à l’échec. Beaucoup de projets les additionnent.

Un musée pourrait, comme au poncif, être recopié d’un endroit à un autre. Il suffirait de construire un beau bâtiment et d’y installer une collection pour réunir les conditions du succès. Non, un musée doit s’ancrer dans son territoire pour constituer un réel outil de développement touristique. Peut‑être qu’un parc d’attractions soutenu par une marque mondiale comme Disney® peut s’abstraire de cette contextualisation (rien n’est moins sûr, au demeurant), mais un musée n’est pas un parc d’attractions. Il doit s’inscrire dans une démarche locale d’appropriation culturelle, sociale et éducative. Les musées purement touristiques existent, mais ils sont rares et tristes.

Dialoguer avec les habitants

Le Louvre-Lens, extraordinaire à tous égards, a toujours eu dans son ADN l’ambition d’attirer le plus large public touristique national et international, tout en veillant à dialoguer en profondeur avec les habitants de son environnement immédiat. Une maison du projet lors de la phase de construction, des relations nouées avec le tissu associatif et un travail étroit avec les écoles ont permis de s’assurer que ce musée d’exception n’était pas hors-sol. Cette insertion est également reflétée par l’architecture du bâtiment de plain-pied, s’inscrivant dans un parc librement accessible. Il en va de même, et sans doute de manière moins intuitive, pour le Louvre Abu Dhabi (premier musée universel du XXIe siècle dans le monde arabe et projet multifacette radicalement innovant) : les autorités émiriennes en font un facteur d’attractivité internationale de leur territoire, mais, concomitamment, elles mettent tout en œuvre pour en assurer l’appropriation par la population locale grâce à des actions volontaires sur le plan culturel, éducatif et social. 

Retrouver l’article complet dans le numéro Urbanisme de juillet-août 2022